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La digitalisation prend de plus en plus d’ampleur dans le monde de l’entreprise. Les nouvelles technologies bouleversent en effet la façon de faire des affaires et la pression est toujours plus forte pour les entreprises, qui se doivent d’intégrer des outils digitaux afin de rester compétitives.
Beaucoup d’opportunités sont à saisir, mais beaucoup de défis existent également. Dans quoi faut-il s’aventurer ? Que faut-il intégrer ou changer ? Ouvrir un compte sur LinkedIn ou faire un site web « responsive » n’est souvent pas suffisant. La digitalisation concerne tous les niveaux de l’entreprise et touche la totalité de sa chaîne de valeur. La structure organisationnelle de l’entreprise s’en voit donc forcément bouleversée. Cet article vise à apporter quelques pistes sur la façon d’organiser la fonction digitale au sein de l’entreprise.
La transformation digitale fait référence au « changement organisationnel induit par l’utilisation d’outils et modèles d’affaires digitaux en vue d’améliorer la performance »1.
La transformation digitale implique donc des changements profonds dans la manière de fonctionner de l’entreprise, mais pas n’importe lesquels. Il s’agit de mettre en place de nouvelles pratiques, liées au monde du digital, qui apportent une valeur ajoutée et qui améliorent la façon dont l’entreprise conduit ses affaires.
Les raisons sont multiples et dépendent des conditions de marché auxquelles les entreprises font face. De manière générale, on distingue deux types de comportements :
Actif : l’entreprise est proactive et cherche à tirer profit des possibilités offertes par les nouvelles technologies.
Réactif : l’entreprise fait face à une pression émanant du marché qui la pousse à adopter de nouvelles technologies.
Dans une optique « réactive », deux sources majeures de pression existent :
Les clients :
Ceux-ci n’ont jamais été aussi informés que maintenant et recherchent des prix plus attractifs, des niveaux de qualité plus élevés et de meilleurs services. Les entreprises doivent donc constamment améliorer leurs offres pour satisfaire des besoins toujours plus sophistiqués.
Les concurrents :
De nouveaux concurrents proposant des offres très compétitives apparaissent et bouleversent ainsi tout un secteur (e.g. Amazon, Google). La pression peut venir de l’industrie dans laquelle se trouve l’entreprise, mais également d’autres secteurs d’activités.
Dans une optique « active », l’entreprise innove en exploitant les possibilités offertes par les nouvelles technologies. En effet, celles-ci émergent continuellement et peuvent procurer un avantage compétitif important si elles sont adoptées et intégrées rapidement. De manière générale, les avantages suivants peuvent être acquis par l’entreprise :
Dans tous les cas, il ne faut pas voir les nouvelles technologies comme une menace, une nécessité ou un investissement mais plutôt comme une opportunité. Les consommateurs adoptent rapidement les outils digitaux. Les entreprises ont donc tout intérêt à être proactives et innover à travers la digitalisation. Si les opportunités saisies poursuivent des buts stratégiques définis, le gain en performance peut être substantiel.
Nous l’avons vu, la transformation digitale implique des changements dans la façon de fonctionner de l’entreprise. Afin de faciliter les décisions, Wade (2015) établit un outil appelé « digitization piano », qui liste 7 catégories dans lesquelles des changements sont envisageables :
La structure organisationnelle fait donc partie des éléments touchés par la digitalisation. Elle fait référence à la façon dont :
Hiérarchie, reporting, flux d’information, ressources, etc. Qui fait quoi ? Qui est responsable de quoi ? Envers qui ?
Le but est donc d’organiser la fonction digitale de manière à obtenir une structure organisationnelle optimale. Où placer ses éléments ? Quelles ressources y allouer ?
La difficulté d’organiser la fonction digitale réside dans le fait qu’elle est présente à tous les niveaux de l’entreprise. Elle n’est en effet pas uniquement reléguée au département qui lui est consacré (s’il existe), mais elle sert également de support à toutes les autres divisions.
Par ailleurs, le domaine technologique évoluant à grande vitesse, il est indispensable de se mettre à jour sans cesse. Une culture d’apprentissage continu doit être mise en place pour être en mesure de s’adapter rapidement.
La digitalisation est fortement liée à l’innovation, au fait d’ « essayer de nouvelles choses ». Des nouvelles fonctions sont par conséquent créées et les managers ne savent plus très bien où les situer. Des attentes considérables sont placées dans le digital et énormément d’analyses et de collaboration sont requises pour savoir ce qui est nécessaire et comment le faire bien.
La digitalisation met à rude épreuve les structures traditionnelles de l’entreprise, qui ne sont pas faites pour des modes de collaboration non-hiérarchiques entre départements. Elle requiert de nouvelles pratiques de communication et de collaboration qui bouleversent les modèles établis. Le secteur bancaire par exemple tend vers un fonctionnement en mode projet, alors qu’il était traditionnellement organisé en silos2.
La fonction digitale est constituée d’une multitude de dispositifs, mécanismes, outils, systèmes, produits et services distribués dans l’ensemble de l’entreprise. Si ces éléments ne sont pas connectés, le risque est grand de tomber dans « l’anarchie digitale ». Définir la portée et la diffusion de la fonction digitale est fondamental.
Weill & Woerner (2013) définissent 3 approches générales pour gérer la fonction digitale :
La convergence consiste à concentrer toutes les ressources et les investissements dédiés au digital dans une unité sous la direction d’une personne, le Chief Digital Officer. Cette approche procure des avantages évidents : des synergies sont réalisées, les coûts et les risques sont réduits, une certaine cohérence existe et un contrôle effectif est appliqué
La coordination ne modifie pas la structure organisationnelle actuelle de l’entreprise. Elle ajoute tout simplement des mécanismes, sous la forme de comités, pour coordonner les activités. Cela se traduit donc par des unités séparées soutenues par une infrastructure commune et à la tête desquelles se trouve un comité de coordination. Cette approche permet d’éviter des bouleversements trop importants et facilite la collaboration entre divisions.
Dans cette approche, il n’y a pas de coordination. Chaque unité est libre de gérer la fonction digitale indépendamment, le but étant de soutenir l’innovation et de maximiser la valeur à travers un management localisé. Elle correspond mieux à des entreprises décentralisées et très diversifiées.
De façon plus précise, Capgemini & MIT (2011) font état de 4 modèles de structures organisationnelles dans une étude sur la transformation digitale des entreprises réalisée auprès de plus de 50 sociétés dans une quinzaine de pays.
Les 4 modèles sont définis dans une matrice à deux axes selon le degré de coordination entre unités d’une part et le niveau de partage de la fonction digitale d’autre part. Ces modèles montrent comment les rôles de définition de la stratégie digitale, d’exécution des opérations et de détention de budget sont distribués. Voir schéma ci-dessous.
Selon leurs résultats, le modèle le plus commun est celui de la « coordination centrale », bien que les autres modèles se trouvent fréquemment aussi. Il est intéressant de noter qu’aucun modèle n’est plus performant que les autres.
Mogus et al. (2011a) schématisent 4 types de structures organisationnelles, selon une perspective évolutive. Selon eux, les organisations commencent souvent par le premier modèle et devraient tendre vers le 4ème, qui est le plus collaboratif et donc le plus à même de satisfaire les exigences de la digitalisation, mais aussi celui comporte le plus de défis.
Ce modèle de structure constitue une sorte de phase « pré-digitale ». Il montre en effet comment internet s’est développé à ses débuts dans les entreprises. Les divers aspects digitaux apparaissent librement et de façon aléatoire dans les différentes unités de l’organisation. Des incohérences et inefficiences peuvent découler de cette structure.
Selon Mogus et al. (2011a), le modèle centralisé est le plus courant. Il s’agit de mettre en place un silo, à la tête duquel se trouve un Chief Digital Officer et à partir duquel toutes les autres divisions sont servies. Les bénéfices mis en avant sont ceux de l’approche de convergence de Weill & Woerner (2013), notamment la cohérence et les synergies. Le principal problème de cette structure est qu’elle ne favorise pas l’innovation et l’émergence de nouvelles idées, car la collaboration et le dialogue avec le reste des unités sont réduits.
Dans ce modèle, la fonction digitale est répartie en plusieurs éléments dispersés dans chaque département. Une certaine inégalité s’instaure car certaines divisions peuvent être très performantes et d’autres beaucoup moins. Cela induit une culture de compétition, alors que c’est la collaboration qui est souhaitée. De plus, les ressources sont souvent répliquées et il n’y a pas de cohérence.
Le modèle hybride est, selon Mogus et al. (2011a), le plus susceptible d’intégrer la fonction digitale de manière optimale dans l’entreprise. Dans cette configuration, chaque département dispose d’une capacité à développer le digital pour répondre à ses besoins spécifiques, mais le tout est connecté et coordonné par une équipe digitale qui supervise l’ensemble des activités. Dans la pratique, il peut s'avérer difficile de le mettre en place car les silos, la compétition et les considérations politiques dans les organisations rendent cela très complexe.
Les différents modèles que nous avons parcourus précédemment semblent mettre en évidence certaines caractéristiques essentielles à l’organisation optimale de la fonction digitale dans l’entreprise. Ce sont notamment l’équilibre centralisation – décentralisation (ne pas aller dans les extrêmes), la capacité d’adaptation, la flexibilité, la collaboration, l’apprentissage continu et le développement de l’innovation.
Ces modèles ont, pour la plupart, été déduits de ce qui se fait sur le terrain. Toutefois, il ne faut pas prendre cela comme une liste exhaustive et détaillée des structures organisationnelles possibles, ni comme des phases par lesquelles l’entreprise doit passer. Le monde du digital est en constante évolution et les entreprises doivent s’y adapter. La structure organisationnelle est un élément relativement rigide qu’il est difficile de changer rapidement. Les entreprises prennent donc du temps à le faire et une phase d’expérimentation est bien évidemment nécessaire. De nouvelles configurations apparaîtront très certainement à l’avenir. En attendant, les modèles présentés permettent de mettre en évidence quelques pistes sur la façon d’organiser le digital dans l’entreprise.
Il n’y a donc pas de modèles établis. Tous comportent leurs avantages et leurs inconvénients et sont susceptibles de fonctionner ou non. Comment dès lors configurer le sien ?
Dans tous les cas, c’est la stratégie d’entreprise qui va permettre de définir la structure organisationnelle qui convient le mieux à l’entreprise. En effet, en fonction des objectifs stratégiques, il sera possible de déterminer la place que doit occuper le digital dans l’entreprise. Les priorités et les actions à mettre en place pourront ensuite être définies en conséquence.
Finalement, la pratique montre qu’une approche bottom-up aboutit rarement à une réussite. Au contraire, une approche top-down est indispensable. Il faut un leadership ouvert d’esprit et collaboratif qui promeuve activement la digitalisation, communiquant ainsi un message clair aux collaborateurs. Une culture d’entreprise qui accepte le changement est nécessaire pour obtenir la flexibilité requise par le monde digital. Le défi de la digitalisation n’est donc pas technologique. Il est humain.
Capgemini Consulting & MIT Center for Digital Business. (2011). Digital Transformation : A Roadmap for Billion-Dollar Organizations. https://www.capgemini.com/resource-file-access/resource/pdf/Digital_Transformation__A_Road-Map_for_Billion-Dollar_Organizations.pdf
Mogus, J., Silberman, M. & Roy, C. (2011a). Four Models for Managing Digital at Your Organization. Stanford Social Innovation Review. https://ssir.org/articles/entry/four_models_for_organizing_digital_work_part_two
Mogus, J., Silberman, M. & Roy, C. (2011b). The Five Dysfunctions of a Digital Team. Stanford Social Innovation Review. https://ssir.org/articles/entry/the_five_dysfunctions_of_a_digital_team
Rick, T. (2016). The real challenges of digitization is not technology. https://www.torbenrick.eu/blog/technology/the-real-challenges-of-digitization-is-not-technology/
Stassi, F. (2015). Dans l'industrie financière, la transformation digitale doit questionner les modèles établis. Business & Marchés. https://www.businessmarches.com/industrie-financiere-transformation-digitale-questionner-modeles-etablis/
Wade, M. (2015). Digital Transformation : A Conceptual Framework. Global Center for Digital Business Transformation. http://www.imd.org/uupload/IMD.WebSite/DBT/Digital%20Business%20Transformation%20Framework.pdf
Weill, P. & Woerner, S. (2013). Is Your Organisation Ready For Total Digitization?. Harvard Business Review. https://hbr.org/2013/07/is-your-organization-ready-for
1 Wade (2015)
2 Stassi (2015)