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En Suisse, les communes représentent le dernier échelon de l’État fédéral, après la Confédération et les cantons. Souvent perçues comme l’expression la plus directe de la démocratie suisse, elles demeurent un ancrage fort pour les citoyens.
Néanmoins, au cours des trente dernières années, leur rôle semble évoluer de manière significative. Les communes font face à des défis croissants: un environnement normatif toujours plus dense, des compétences en constante expansion, des dossiers de plus en plus complexes - le tout avec des ressources parfois limitées et par conséquent une tendance à la centralisation.
Cet article vise donc à présenter dans un premier temps ces contraintes qui pèsent sur les communes. Nous explorons ensuite les réponses apportées sur le terrain, notamment à travers les fusions ou les associations intercommunales, et ce qu'elles impliquent.
Pour les communes, le suivi du nombre de compétences à maitriser peut s’avérer être une tâche délicate. L’enquête menée en 2024 par l’Association des Communes Suisses sur la numérisation révèle auprès d’élus la difficulté à poursuivre cet objectif. En matière de numérisation par exemple, 56% des répondants estiment que leur commune est en retard sur le sujet. Une statistique en amélioration comparée à 2023 (62% de réponses similaires), mais néanmoins en-dessous du niveau cantonal et fédéral. Les communes manifestent une volonté propre dans le domaine, mais la même enquête révèle un manque de ressources humaines et financières pour la tâche, ainsi qu’une tendance à mener à bien ces projets de manière indépendante plutôt qu'en association avec d’autres communes.
La question de la digitalisation, et de sa sécurité, n’est qu’un exemple parmi d’autres de compétences dont la croissance rapide et le caractère transformationnel peuvent parfois s'avérer difficiles à maitriser pour les communes. Mais les thèmes au cœur des préoccupations des élus municipaux sont nombreux1, tout comme les défis associés aux compétences à mobiliser et aux ressources à disposition. Et les enjeux pour la vie des citoyens n'en sont pas moindres.
Afin de mieux appréhender l'évolution du rôle des communes, il est utile d'examiner certaines tendances comme l’augmentation des normes, la complexification générale des dossiers ou encore l’apparition de nouvelles compétences.
S’il est difficile de mesurer précisément l’augmentation des normes concernant seulement les communes, certaines données générales permettent de saisir l’ordre de grandeur de l’inflation législative. Chaque année près de 40’000 pages sont publiées dans la Feuille fédérale ou le Recueil officiel des lois fédérales2. Le Recueil systématique du droit fédéral a augmenté de près de 60% depuis 1990, et chaque année près de la moitié de ces 65'000 pages sont modifiées3. A cela s’ajoute l’évolution du droit cantonal et communal.
Si l’augmentation du nombre de normes contribue à complexifier le travail des communes, une part importante de cette complexité réside dans les dossiers eux-mêmes, et non uniquement dans le cadre réglementaire. Par exemple, les questions d’infrastructures ou de mobilité ne se construisent plus seulement au niveau d’une commune mais avec plusieurs communes, un ou plusieurs cantons, et peut-être même une implication de la Confédération. L’imbrication des différents acteurs, chacun avec un agenda propre, combinée à la nécessité d'un financement collectif, génère de la complexité. Le résultat apparaît donc comme une tendance générale à la centralisation des compétences, au niveau cantonal, et pour des dossiers plus larges, au niveau de la Confédération, voire encore auprès des organisations internationales. Malgré tout, de nombreuses compétences restent fermement ancrées à l’échelon communal4. La bonne santé financière des communes est aussi un enjeu placé au centre des attentes, avec comme but un haut degré d’autofinancement et une stabilité de la dette.
À la complexité croissante des dossiers s’ajoute l’émergence de compétences entièrement nouvelles. La transformation digitale, déjà évoquée au début de cet article, ou le développement durable en sont des exemples récents. A priori, on peut donc s'attendre à ce que de nouvelles compétences, et surtout des sous-compétences, continuent à émerger dans le futur. Il convient de souligner que ces nouvelles compétences représentent souvent bien plus qu’un simple ajout pour une administration communale. Par exemple, l’intégration des enjeux du développement durable requiert une réorganisation interne permettant d’intégrer de manière transversale à tous les services la compétence en question. La maitrise d’expertises techniques pousse également certaines communes à recruter de nouveaux spécialistes, augmentant leurs échelles salariales pour rester attractif.
L'apparition de ces nouvelles compétences et l’évolution de celles existantes s'accompagne d'une dimension de risque. L’exemple de la digitalisation donné au début de cet article est peut-être le plus connu du public en raison des cyberattaques récentes. La Commune de Rolle avait notamment vu en 2021 ses données rançonnées et publiées sur le darknet. Si les cantons, la Confédération et les entreprises sont exposés aux mêmes risques, les petites communes sont particulièrement vulnérables. Les communes ont évidemment la possibilité de déléguer ce type de compétences à des entités externes, ce qui amène la question de leur contrôle sur ces organismes.
Au-delà de la tendance à la centralisation induite par la complexité croissante des dossiers, certains élus communaux évoquent un certain "interventionnisme cantonal" dans les affaires locales. Ils pointent notamment des ordonnances et des lois adoptées au niveau cantonal — par les parlements ou les exécutifs — dont la mise en œuvre incombe aux communes, sans toujours que les moyens suivent. Résultat : des charges supplémentaires, souvent non compensées, qui pèsent sur les budgets communaux et réduisent leur marge de manœuvre. Cette volonté cantonale de réduire le nombre de communes peut aller jusqu’à des propositions de loi cantonales incluant des fusions forcées par le canton comme cela a récemment été le cas dans le Canton de Vaud5 6.
Les démissions des élus communaux apparaissent comme une matérialisation des difficultés rencontrées par les communes. S’il est difficile d’obtenir des statistiques nationales, on peut néanmoins constater que le phénomène touche proportionnellement plus les communes urbaines que rurales. Dans le Canton de Genève, la Commune d'Onex détient le record de démissions d’élus avec 64,5% de démissions durant la législature 2020-20257. Les raisons fréquemment mentionnées sont : la surcharge de travail, le manque de reconnaissance, une complexité élevée des dossiers à suivre, la difficulté à réconcilier le mandat avec une vie personnelle et professionnelle et le manque d’attractivité salariale en comparaison à des postes à responsabilité équivalente8. Notons que certains cantons maintiennent la possibilité d’obliger des citoyens à servir en tant qu’élus en cas de carence de volontaires. En Romandie, la pratique a cours seulement en Valais9.
Cas d’étude: L'exemple de complexification des dossiers à Isenau
La réalisation de la station de ski d’Isenau, dans la Commune des Diablerets, illustre de manière parlante la complexification des dossiers, en mettant en regard deux projets relativement similaires, réalisés à environ septante ans d'intervalle.
L’idée d’une station de ski sur le plateau d’Isenau naît en 1950, dans une période de croissance et de développement des sports de montagne. Trop loin du village des Diablerets et de sa gare, il faut construire un système de télécabine pour emmener les skieurs sur le plateau. La construction de ce qui deviendra la première télécabine du canton de Vaud entraine un fort engouement public. Le projet est financé par un mélange de soutiens communaux, de vente d’actions au public, avec un coût global initial de 570'000 CHF (équivalent ≈ 3.10 millions CHF en 2023). Le processus commence formellement en 1951, et les dernières autorisations de l’Office fédéral des transports et de la Commune d'Isenau sont délivrées en 1953. Les travaux commencent la même année et se terminent en 1954. Isenau est ainsi la première station de ski des Diablerets, avant le développement de Meilleret, et de Glacier 3000. Plusieurs modernisations des télécabines reliant la station au village sont réalisées au cours des décennies, sans toutefois que la station ne soit connectée aux autres domaines du village10. La station ferme définitivement ses portes en 2017. A la fin de la concession de la liaison entre le village et Isenau, les pylônes de la liaison ont été démontés.
Depuis, les projets pour faire revivre le domaine vont bon train et existaient même déjà avant sa fermeture. Plusieurs tendances générales semblent favoriser le maintien de la station : une station de petite taille ouverte aux débutants et aux familles, le développement des activités quatre saisons en montagne, un enneigement relativement bon sans grande nécessité de neige artificielle et un très fort capital sympathie dans la région. La société Isenau 360 promouvant une station de petite taille et quatre saisons existe notamment depuis 2013 et joue le rôle de sponsor du projet, avec plus de 3,75 millions CHF levés en une décennie, plus que le projet original des années 195011. Néanmoins, les plans d’affectation de la Commune pour une réouverture doivent composer un équilibre subtil entre différents paramètres du dossier : le respect des lois fédérales sur l’environnement (présence de marais d’intérêt national), les lois cantonales sur l’environnement et la construction, l’alignement avec la stratégie touristique des Alpes Vaudoises, des besoins de financements plus larges, des impératifs environnementaux accrus, le besoin de développement économique de la station et le dialogue avec les organisations de défense de la nature. Le premier plan d’affectation de la commune est par ailleurs définitivement enterré par le Tribunal Fédéral en 2020, donnant raison aux associations environnementales ayant fait recours. Un nouveau plan d’affectation est donc en cours d’élaboration12.
En comparant les deux époques de réalisation, on peut constater que le développement dans les années 1950 reposait sur des démarches locales, rapides et peu normées. Aujourd’hui, la complexification apparaît de manière concrète avec la multiplication des acteurs ; Confédération, cantons, et organismes à but non lucratif, ainsi que des exigences réglementaires et environnementales accrues, des procédures administratives plus longues, un besoin de financement diversifié et une communication à large échelle.
Au cœur du problème semble se trouver la question de la taille de l’unité politique qu’est la commune. Historiquement, l’organisation de la vie en commun se trouvait très proche de l’échelon local. La fragmentation géographique du territoire suisse et la domination du secteur agricole ont fortement contribué à cet ancrage où peu d’échanges prenaient place. Ce n’est qu’au XIXe siècle que l’État moderne se développe, remplaçant progressivement le régime patricien et prenant le relais du clergé local dans l’organisation de la vie publique, ouvrant ainsi la voie à l’émergence du fédéralisme.
La commune garde ce rôle de premier échelon politique, mais depuis les années 1990, elle compose avec une multiplication des compétences qui la pousse à une centralisation vers un échelon plus élevé. La question concerne aussi les cantons, dont certains estiment que le nombre est trop élevé, la Suisse ayant une population et une superficie comparable à un Länder allemand ou une région française. Face à ces défis multiples, la stratégie la plus souvent adoptée est celle d'un regroupement des forces pouvant prendre plusieurs formes :
La fusion et l’absorption sont très similaires et impliquent toutes deux une diminution du nombre de communes existantes. D’autres cas existent comme la scission ou l’échange de territoires mais ils sont moins courants.
De nombreux cantons ont adopté des lois spécifiques qui prévoient à la fois des incitations financières et un cadre procédural détaillé. Par exemple, la loi sur les fusions de communes du Canton de Genève fixe les étapes du processus, les modalités d’approbation et les effets juridiques de la fusion, tout en précisant les aides accordées aux communes concernées. Ces lois d’incitation prévoient généralement une proposition de fusion par les autorités ou par initiative populaire, l’approbation par les conseils municipaux et la population, puis la rédaction d’une convention de fusion qui règle le transfert des actifs, des obligations et de l’administration à la nouvelle entité. Ce cadre légal, complété par des incitations financières, a permis d’accélérer le mouvement de fusion dans plusieurs cantons au cours des trois dernières décennies13 14.
La Suisse comptait 3180 communes après la signature de la Constitution fédérale de 1848, un nombre qui grimpera même jusqu’à 3206 une quinzaine d’années plus tard, et restera stable pour la grande majorité du XIXe et XXe siècles. En 1990, 3021 communes composaient le pays, un chiffre qui a été réduit de près de 30% en 202415.
En 2023, on recensait toujours des communes avec une trentaine d’habitants et plus de mille communes comptant moins d’un millier d’habitants. Si l’on place un seuil à 5000 habitants comme étant le minimum de viabilité hypothétique pour une commune, la Suisse compterait un vaste réservoir de potentielles communes à fusionner. Le pays pourrait donc très prochainement passer à moins de 2’000 communes, voire arriver aux alentours des 1500. En effet, durant les années 2010, près de 500 communes de moins de 1'000 habitants ont disparu. De plus, la population de nombreuses petites vallées alpines et de l’arc jurassien est en déclin, accentuant encore plus la pression démographique sur ces régions16. Le phénomène est donc appelé à perdurer et même à s’intensifier.
Le nombre de fusions réalisées et du bassin potentiel de futures communes à fusionner, apparaît comme uniformément distribué à travers le pays. Seuls les cantons de Neuchâtel et de Glaris se démarquent véritablement. Neuchâtel est passé de 62 communes en 2008 à 25 en 2025, alors que Glaris est passé de 25 à 3 communes en 2011 par le biais d'une votation cantonale.
Beaucoup de communes choisissent ce que l’on peut considérer comme une intégration intermédiaire; la création d'une structure intercommunale pour fusionner des compétences spécifiques. Les exemples les plus courants concernent la mise en commun de l’épuration des eaux, de la gestion des déchets, de la sécurité, ou encore de l’organisation scolaire. Différentes formes juridiques existent, adaptées aux besoins singuliers des communes. Leur but principal est de mutualiser les ressources, d’optimiser l’efficacité administrative et de réaliser des économies d’échelle, tout en garantissant un service de qualité à la population.
La prévalence des associations intercommunales est très forte en Suisse. Dans certains cantons, comme Vaud, on recense plus de 150 associations de communes, et cette forme de collaboration s’est fortement développée au cours des deux dernières décennies. Les associations intercommunales permettent notamment de préserver l’identité communale en évitant une fusion. Ce choix d’ententes intercommunales est néanmoins parfois critiqué pour son manque supposé de lisibilité et de responsabilité démocratique lorsque la plupart des activités communales y sont déléguées.
Afin d’éviter les doublons et de limiter ce que certains qualifient de « mille-feuille » étatique, de nombreux cantons cherchent à encourager les fusions communales. L’argumentaire de la multitude des compétences est aussi reflété dans une vision financière. Le but avoué de cette poussée vers les fusions est d’espérer réaliser des économies d’échelle sur le long terme et d'assurer un meilleur service à la population. Toutefois, les études sur le sujet sont peu nombreuses et ne penchent pas forcément dans ce sens. Le résultat des fusions de communes ou de regroupements similaires à l’étranger semble indiquer que le processus ne génère pas un gain financier important, et peut même parfois être plus coûteux18 19. Si l’argument financier n’apparaît pas comme conclusif, une des raisons semble être que la fusion n’est pas une fin en elle-même menant à des économies et de meilleurs services, mais le début d’un procédé. Les économies budgétaires et l'augmentation de la qualité du service à la population ne se feront a priori qu’à travers une restructuration. Si une nouvelle commune consiste simplement en l’agrégation des services et administrations communales précédentes, sans repenser la gouvernance et le modèle organisationnel, la probabilité de réaliser des économies est très réduite. Au contraire, il est même possible que le processus induise davantage de coûts20. Cette étape de la restructuration semble souvent rencontrer des tensions politiques entre communes parties prenantes à une fusion, ce qui mène inévitablement à un résultat en-dessous des objectifs promis. Si l’anticipation de la complexité future d’une restructuration peut être un frein à une fusion, les causes principales sont souvent différentes.
Néanmoins, les fusions ne visent pas uniquement à réduire les coûts existants — d’autant que la marge de réduction s’avère souvent limitée, voire trop faible pour être significative selon les études sur le sujet. L’un des principaux objectifs est plutôt de prévenir de futures hausses de coûts, en stabilisant les dépenses grâce à la mutualisation des ressources. À cela s’ajoute une ambition complémentaire : accroître la valeur délivrée avec les capacités désormais réunies, en renforçant l’efficacité et la qualité des services.
La question de l’attachement à la commune est souvent sensible auprès des électeurs. Elle comporte d’abord une dimension personnelle, liée à l’enracinement individuel de chacun et chacune dans sa commune d’origine ou de résidence — un lien affectif que beaucoup souhaitent préserver. S’y ajoute une dimension plus idéologique, fondée sur l’idée que l’autonomie locale constitue un pilier fondamental de la démocratie. Elle garantirait une proximité entre élus et citoyens, ainsi qu’une capacité accrue à répondre aux enjeux concrets du terrain21. Cet attachement peut se manifester non seulement au niveau des concitoyens mais aussi au niveau des élus locaux. Certaines communes, même petites, mais bien dotés financièrement grâce à quelques contribuables notables, particuliers ou entreprises, présents sur le territoire communal, peuvent aussi s’opposer à une fusion car elles n’en ressentent pas le besoin.
Cas d’étude : la réduction du nombre de communes dans le Canton de Glaris
Le Canton de Glaris constitue un cas d’étude intéressant sur l’impact des fusions de communes. À la suite d’une décision prise par la Landsgemeinde (assemblée populaire cantonale) en 2006 et confirmée en 2007, les 25 communes historiques du canton ont été regroupées en trois grandes communes uniquement : Glaris Nord, Glaris et Glaris Sud. Il s’agit du premier projet de fusion de cette ampleur en Suisse, mené en une seule étape et redéfinissant en profondeur les limites communales du canton. Si Glaris constitue une exception par sa radicalité et sa rapidité d’exécution, cette initiative a néanmoins inspiré d’autres petits cantons, comme Neuchâtel ou le Jura, à s’engager à leur tour dans des processus de fusion.
La réalisation d’économies budgétaires était l’un des objectifs centraux d’une redéfinition des communes à Glaris. Une étude de 201922 sur le sujet conclut à des économies limitées, et touchant seulement certaines compétences. Les auteurs soulignent néanmoins des résultats plus positifs dans les domaines où une véritable restructuration des services a accompagné l'agrégation des compétences issues des communes fusionnées. Par ailleurs, une redistribution des compétences entre les nouvelles communes et le canton a été opérée, entraînant une baisse des revenus communaux, mais une amélioration des finances cantonales. L'impact global du projet - mêlant refonte territoriale et redéfinition des compétences - reste donc complexe à analyser en termes de causalité directe, mais des effets mesurables ont été constatés sur plusieurs aspects.
Le conseiller d’État glaronnais Röbi Marti se montre plus positif sur l’impact de la réorganisation. Il met en avant les difficultés structurelles rencontrées par le canton dans les années 1990, marquées par des finances fragiles et une pénurie croissante de personnes prêtes à s'engager dans des fonctions électives. Selon lui, la mutualisation des services a porté ses fruits. Par exemple, avec 31 fournisseurs en eau avant la réforme, 18 fournisseurs en électricité, Glaris a pu réduire ses coûts et améliorer la qualité de ses prestations23.
Une étude conduite en 2014 par la HES de Coire et commandée par Glaris, confirmait cette demi-teinte, avec une administration professionnalisée, une autonomie renforcée pour les communes, mais sans augmentation de la participation des citoyens24. Ce dernier point est un contentieux avéré avec un décrochage de Glaris en termes de taux de participation aux votations, comparé aux cantons similaires de Saint-Gall, d’Uri, de Schwyz et des Grisons25.
L’échelon communal est aujourd’hui en pleine transformation. Les compétences à maîtriser se sont multipliées pour faire face à des dossiers toujours plus complexes, encadrés par un nombre croissant de normes, exigeant une coopération renforcée entre acteurs et soumis à de nouvelles obligations fixées par les cantons.
Face à ces défis, la transformation de la taille des communes est apparue comme l’une des principales réponses.
Si les associations intercommunales offrent des solutions ciblées dans certains domaines, les cantons continuent de privilégier les fusions, perçues comme une voie plus structurante.
Cela, malgré plusieurs constats :
La question centrale demeure celle du rôle des communes dans le système de gouvernance à plusieurs niveaux qui caractérise la Suisse.
Contrairement à la Confédération et aux cantons, les communes ne disposent pas de compétences souveraines inscrites dans la Constitution fédérale. Leur existence et leurs attributions dépendent des cantons, qui définissent librement leur statut et leurs responsabilités.
Or, avec les évolutions sociétales évoquées dans cet article, ce rôle est clairement en mutation. Entre une vision où les communes pourraient remplacer les districts en tant qu’échelon de proximité, et une autre où elles seraient réduites à de simples exécutantes des politiques cantonales, les scénarios restent nombreux.
La réflexion sur les compétences, le degré d’autonomie réelle et la place des communes dans l’architecture institutionnelle suisse reste donc pleinement ouverte.
Il apparaît clairement que les communes sont soumises à une pression croissante, confrontées à une complexité grandissante des dossiers et à un environnement normatif toujours plus dense. Dans ce contexte, la coopération intercommunale s’est imposée comme une nécessité pour garantir la continuité et la qualité des prestations offertes à la population. Toutefois, de nombreux cantons privilégient une approche plus intégrée, en encourageant activement les fusions communales.
Ces deux modèles — associations intercommunales et fusions — peuvent chacun apporter de véritables bénéfices aux citoyennes et citoyens, tout en soulageant les exécutifs communaux, à condition de respecter certains facteurs clés de réussite :
Si ces conditions sont réunies, une réelle valeur ajoutée peut émerger pour les habitants et les communes elles-mêmes.
Il est donc essentiel de ne pas considérer une fusion ou une association intercommunale comme une fin en soi, mais bien comme le point de départ d’un nouveau projet collectif à structurer dans la durée.
M&BD vous accompagne volontiers dans vos réflexions liées à ce sujet.
1) Association des Communes Suisses (2024), Enquête auprès des communes sur la numérisation 2024, https://mynigmeind.ch/wp-content/uploads/2024/06/F-Original_Versand_20240612_Ma-Commune-2024-06-Enquete-sur-la-numerisation.pdf , consulté le 17.06.2025
2) Chancellerie fédérale (2025), Centre des publications officielles (CPO), Confédération suisse, https://www.bk.admin.ch/bk/fr/home/chancellerie-federale/organisation-de-la-chancellerie-federale/centre-des-publications-officielles-cpo.html , consulté le 17.06.2025
3) Loepfe Arthur (2004), Maîtriser l'inflation législative, L'Assemblée fédérale — Le Parlement suisse, https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20043673 , consulté le 17.06.2025
4) Cachin Jérôme (2020), «La Commune est l’échelon de proximité par excellence», 24 Heures, https://www.24heures.ch/la-commune-est-lechelon-de-proximite-par-excellence-930154032095 , consulté le 17.06.2025
5) Roca René (2021), La commune – cette base trop négligée de la démocratie fédérale, Horizons et débats, https://www.zeit-fragen.ch/fr/archives/2021/n-15-6-juillet-2021/la-commune-cette-base-trop-negligee-de-la-democratie-federale , consulté le 19.06.2025
6) Pantet Carole (2025), Le canton de Vaud devra revoir son projet de loi sur les communes, RTS Info, https://www.rts.ch/info/regions/vaud/2025/article/vaud-projet-de-loi-sur-les-communes-rejete-le-canton-doit-revoir-sa-copie-28911038.html , consulté le 19.06.2025
7) Zumbach Caroline (2025), Onex détient le record d’élus démissionnaires, La Tribune de Genève, https://www.tdg.ch/politique-onex-detient-le-record-de-demissions-delus-656372250894, consulté le 18.06.2025
8) Krafft Camille (2023), Revivez «Le Débat» sur les démissions de municipaux vaudois, Le Temps, https://www.letemps.ch/suisse/vaud/revivez-le-debat-sur-les-demissions-de-municipaux-vaudois?srsltid=AfmBOooNUXo62HwvUtopfuOCZME4xrAvV_j3jG1N0mGiLunywzL_alee , consulté le 18.06.2025
9) Turuban Pauline (2019), Endiguer les démissions d'élus communaux, un défi pour les cantons, RTS Info, https://www.rts.ch/info/regions/10575027-endiguer-les-demissions-delus-communaux-un-defi-pour-les-cantons.html , consulté le 18.06.2025
10) Remontées-Mécaniques.net (2025), TCD2 Les Diablerets-Isenau, https://www.remontees-mecaniques.net/bdd/reportage-tcd2-les-diablerets-isenau-giovanola-7514.html , consulté le 20.06.2025
11) Bratschi Isabelle (2023), Une vision durable pour le domaine d'Isenau, HTR.ch, https://www.htr.ch/edition-francaise/article/une-vision-durable-pour-isenau-36679 , consulté le 20.06.2025
12) Commune d’Ormont-Dessus (2024), Plan d’affectation d’Isenau, https://www.ormont-dessus.ch/wp-content/uploads/2024/02/PA_Isenau_47OAT.pdf , consulté le 20.06.2025
13) Guetl Martina (2011), Incitations cantonales aux fusions de communes en Suisse et en Valais, IDHEAP, https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_1DDBF3ECB9DA.P001/REF.pdf, consulté le 20.06.2025
14) Robert-Progin Sylvie & Gigandet Nicolas (2006), Incitations financières cantonales à la fusion de communes, IDHEAP, https://serval.unil.ch/resource/serval:BIB_3488DDBC488A.P001/REF.pdf , consulté le 20.06.2025
15) Office fédéral de la statistique (2025), Nombre de communes en Suisse entre 1848 et 2024, https://www.bfs.admin.ch/asset/de/32012950 , consulté le 18.06.2025
16) Office fédéral de la statistique (2024), Variation de la population résidante permanente, https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/catalogues-banques-donnees/publications/ouvrages-synthese/annuaire-statistique-suisse/2024/population/effectif-evolution.assetdetail.32287811.html , consulté le 09.07.2025
17) Office fédéral de la statistique (2021), Portraits régionaux 2021: chiffres-clés de toutes les communes, https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/statistique-regions/portraits-regionaux-chiffres-cles/communes.assetdetail.15864461.html , consulté le 09.07.2025
18) Lüchinger Simon & Stutzer Alois (2011), Economies of Scale in Municipal Administration. Empirical Analyses of Municipal Mergers, Swiss Political Science Review, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/j.1662-6370.2002.tb00333.x , consulté le 18.06.2025
19) Steiner Reto & Kaiser Claire (2015), Effects of amalgamations: evidence from Swiss municipalities, Public Management Review, Volume 19, Issue 2, https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14719037.2016.1153704 , consulté le 18.06.2025
20) Richard Alexandra (2015), Les fusions de communes ne génèrent pas vraiment d'économies, RTS info, https://www.rts.ch/info/regions/6470327-les-fusions-de-communes-ne-generent-pas-vraiment-deconomies.html , consulté le 19.06.2025
21) Messer Marc Antoine (2023), Fusion de communes : l’impossible mariage de valeurs, Le Temps, https://www.letemps.ch/opinions/fusion-communes-limpossible-mariage-valeurs?srsltid=AfmBOoqKdXDK2NKewbix45eQW3AB3IB31tmRfTI2lpMfFxEv31qzuwyo , consulté le 19.06.2025
22) Hofmann Roland & Rother Natanael (2019), Was It Worth It? The Territorial Reform in the Canton of Glarus, Swiss Political Science Review, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/spsr.12354 , consulté le 19.06.2025
23) Rittmeyer (2017), Le regroupement des communes – une vraie chance, Rittmeyer.com, https://rittmeyer.com/fr/transfer-magazin/articles/le-regroupement-des-communesnbsp-une-vraie-chance , consulté le 09.07.2025
24) Wuthrich Bernard (2018), Glaris, l’étonnante modernité de la Landsgemeinde, Le Temps, https://www.letemps.ch/suisse/suisse-alemanique/glaris-letonnante-modernite-landsgemeinde?srsltid=AfmBOoq7LT-b5cCx6LheMQwcy8MorV1tGRlGeNF-9qw4_Sbwz0gRE5-9 , consulté le 19.06.2025
25) Frey Bruno S., Gullo Anthony & Briviba Andre (2021), Lassitude politique après la fusion des communes glaronaises, La Vie économique, https://dievolkswirtschaft.ch/fr/2021/02/lassitude-politique-apres-la-fusion-des-communes-glaronaises/#footnote_1 , consulté le 19.06.2025