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Les communes fournissent des services essentiels à leurs habitants. Cependant, la gestion de ces prestations, dans un cadre juridique complexe et interconnecté, nécessite une gouvernance claire et efficace. Comment les communes peuvent-elles maîtriser leurs coûts, optimiser leurs prestations et assurer un contrôle stratégique des organisations auxquelles elles délèguent des responsabilités ? Jacques Blanc, notre expert en Gouvernance et Politiques des administrations publiques, nous présente une analyse des défis liés à la représentation communale.
Le rôle des communes est, en particulier, de fournir des prestations adaptées aux besoins de leurs habitants. Pour cela, elles disposent d’une autonomie décisionnelle et financière qui leur permet de dimensionner un certain nombre de ces prestations en fonction des spécificités locales.
Pour des raisons d’efficience, les communes ont la possibilité de mutualiser leurs compétences et leurs ressources sous différentes formes juridiques. Les options vont du contrat de droit administratif à la société anonyme de droit privé - en main publique, en passant par les fondations et les associations intercommunales. D’autres formes juridiques sont possibles comme les établissements autonomes de droit public ou les sociétés anonymes de droit public, mais ces structures ne sont que peu représentée au niveau intercommunal. En revanche, elles sont souvent présentes au niveau cantonal.
Lorsque les ressources sont insuffisantes, cette mutualisation est nécessaire. Elle est encouragée par les cantons – par leurs lois sur les communes respectives, et aujourd’hui, une grande partie des politiques publiques sont réalisées au niveau régional.
Ces politiques publiques couvrent des domaines importants tels que :
D’autre domaines sont concernés, tels que la sécurité, l’aménagement du territoire ou les transports publics, bien que, dans ces secteurs, les communes soient également soumises à des décisions cantonales, voire fédérales.
De ce fait, les communes ont souvent des intérêts financiers et stratégiques dans diverses organisations comme les sociétés anonymes à capitaux publics et les fondations. Afin d’assurer un certain contrôle sur ces entités, elles délèguent alors un membre de leur exécutif, voire de leur législatif communal, pour siéger dans les conseils de ces structures. Cette délégation soulève toutefois plusieurs questions de gouvernance qui méritent une analyse approfondie.
Certaines lois cantonales traitent de cette délégation, par exemple la Loi sur les participations de l’État et des communes à des personnes morales (LPECPM) du Canton de Vaud, ou la Loi sur les participations de l’État à des personnes morales et autres entités (LPartEt) du canton du Valais.
Lorsque des lois spécifiques n’existent pas, certains cantons se réfèrent à des lois d’organisation ou à leur constitution. Très peu de lois traitent spécifiquement des communes.
Lorsqu’une loi existe, elle règlemente notamment les compétences requises pour le représentant ou la représentante de l’état - et souvent, par analogie, de la commune, elle traite de sa mission au service de l’intérêt publique.
Le rôle d’un membre d’un conseil d’administration ou de fondation requiert des compétences en gestion, en droit et en stratégie d’entreprise. Or, les élus communaux ne disposent pas toujours des connaissances, ni de l’expérience nécessaires pour assumer pleinement ces responsabilités. En particulier, ils doivent comprendre leurs devoirs fiduciaires, les risques juridiques qu’ils encourent, ainsi que les implications financières de leurs décisions. Les règles de gouvernance des collectivités publiques ne sont, par ailleurs, pas les mêmes que celles définies par le code des obligations.
Dans une société anonyme ou dans une fondation, tout comme au sein de la structure politique et administrative d’une commune, le partage des pouvoirs constitue un élément clé de bonne gouvernance.
Les prérogatives décisionnelles des membres d’un conseil ne sont pas identiques à celles de la direction opérationnelle de l’entité, ou à celles de l’assemblée générale. Ainsi, une certaine confusion survient lorsque ces prérogatives ne sont pas respectées, en particulier lorsque les membres d’un conseil s’immiscent dans les tâches opérationnelles.
Les conséquences peuvent être importantes : démotivation et déresponsabilisation de l’équipe de direction, perte de confiance des collaboratrices et des collaborateurs, conflits entre personnes, ou encore réduction importante d’efficience de l’organisation.
Comme nous l’avons écrit ci-avant, il revient à la commune de définir non seulement les prestations qu’elle fournit à ses habitants, mais également la quantité et la qualité de ces prestations en fonction du besoin local. Pour cela, il nous parait indispensable que les autorités élaborent une vision politique de la situation de la commune, de son évolution et des besoins. Cette vision doit naturellement être adossée à un projet politique et sert de base à l’élaboration du plan de législature communal. Certes, le propos de cet article n’est pas de traiter de l’importance de cette vision. Néanmoins il nous parait essentiel de souligner la nécessité, pour le représentant de la commune au Conseil d’administration ou de fondation, d’en avoir une parfaite connaissance et compréhension.
C’est pourquoi un mandat de délégué communal doit inclure la définition précise des attentes et des responsabilités, le plus souvent sous la forme d’une lettre de mission claire. L’élaboration de cette lettre de mission soulève cependant un autre problème important : afin d’assumer les responsabilités et les risques personnels liées à leur fonction, les membres d’un conseil doivent disposer d’une totale indépendance décisionnelle. De ce fait, un délégué peut-il recevoir des instructions de la part de sa commune ?
En effet, un.e membre d’un Conseil doit agir dans l’intérêt de l’organisation qu’il ou elle supervise, alors qu’un.e élu.e communal.e est mandaté.e pour préserver les intérêts de sa collectivité. Un.e administrateur/trice ou membre de conseil de fondation doit être attentif/ve au code suisse de bonnes pratiques pour le gouvernement d’entreprise1. En cas de prise de décision contraire aux intérêts de l’organisation, il/elle engage sa responsabilité personnelle pour gestion déloyale. Ce peut être le cas lors de faillite par exemple, notamment en cas de non-paiement des charges sociales.
La façon dont est rédigée une lettre de mission est donc un point clé du mandat. En contrepartie, la façon dont sont formulés les statuts de l’organisation est également déterminante car ces statuts doivent permettre de servir et de préserver l’intérêt public, notamment celui des communes actionnaires.
Si la lettre de mission n’est pas concordante avec les statuts, alors le ou la représentant.e de la commune se trouve dans l’impossibilité d’exercer sa fonction.
Nous sommes convaincus qu’une société anonyme ou une fondation sont des structures juridiques parfaitement adaptées pour répondre à certains besoins de mutualisation de compétences des communes. Dans certains cas, une société anonyme, par exemple, présente des avantages importants. Elle permet notamment plus de flexibilité et de rapidité de décision et d’action que certaines associations intercommunales qui, elles aussi font face à des problèmes de doubles casquettes, de conflits d’intérêts et de compétences décisionnelles, de partage de pouvoir, etc.
La question clé qui se pose est des avoir comment une commune peut exercer un contrôle sur l’activité d’une telle structure. En l’occurrence, l’intérêt d’un exécutif communal est de deux ordres :
Or, pour toutes les raisons évoquées ci-avant, un élu communal siégeant dans un conseil d'administration n’a pas forcément les moyens d’influer suffisamment les décisions stratégiques, surtout si l’organisation regroupe plusieurs communes ou partenaires. De plus, ces représentant.e ne rendent pas toujours compte de leur action devant le législatif communal ou la population, ce qui limite la visibilité des décisions prises. De plus, dans chaque décision qu’il ou elle doit prendre, il ou elle doit considérer la possibilité d’un conflit d’intérêt.
Si les communes veulent exercer un contrôle plus efficace sur ces organisations, plusieurs options existent :
Il est également possible que les représentants des collectivités « propriétaires » de l’entité puissent participer aux discussions entant que membres d’un comité consultatif, sans pouvoir de décision, mais qui peut être informé régulièrement.
De façon générale, nous sommes d’avis que le contrôle d’une commune doit s’exercer d’abord par son rôle à l ’Assemblée Générale « en tant qu’actionnaire ». En particulier, sont déterminants :
Aujourd’hui, une grande partie de ces structures disposent de Conseils composés de représentants de communes peu qualifiés pour leur fonction et souvent démunis devant les responsabilités qu’ils ou elles endossent. Certes, ces structures fonctionnent. Cependant, nous sommes d’avis que ce type de gouvernance est une gouvernance de « beau temps ».
En cas de difficultés, lors de modifications rapides et importantes des conditions cadres et de l’environnement dans lequel les entités évoluent, leurs dirigeants se trouvent très vites limités dans leurs capacités décisionnelles et démunis devant l’ampleur des mesures à mettre en place, au préjudice naturellement des « actionnaires » que sont les communes.
Si une commune choisit de déléguer un élu ou un représentant, certaines mesures doivent être mises en place :
Les communes jouent un rôle essentiel dans la gestion et la surveillance d'organisations d’intérêt public. Toutefois, la simple délégation d’un représentant communal ne garantit pas un contrôle effectif. Il est crucial de doter ces représentants des compétences nécessaires, de définir précisément leur mission et de mettre en place des mécanismes de suivi et de contrôle. Seule une approche rigoureuse et une gouvernance renforcée permettront de préserver les intérêts des communes et de garantir la bonne gestion des organisations concernées.
Ces réflexions peuvent également s’appliquer par analogie au fonctionnement des associations intercommunales.
M&BD vous accompagne volontiers dans vos réflexions sur le sujet.
1 Michel A. (2016). Code suisse de bonnes pratiques pour le gouvernement d'entreprise (1re éd.; mises à jour en 2007, 2014 et 2016). economiesuisse. https://www.economiesuisse.ch/sites/default/files/publications/economiesuisse_swisscode_f_web.pdf